Ce dimanche 15 août est la fête de Marie, pour les chrétiens : par extension, on pourrait dire que c’est la fête de la Mère divine… dont la manifestation la plus universelle, me semble-t-il, est la Vie elle-même.
Alors, pour célébrer la Vie, j’avais envie de partager avec vous ci-dessous quelques extraits de « Ode à l’autostop », tiré de ce bijou de livre qu’est Odes de David van Reybrouck (qui a, presque jour pour jour, 10 ans de moins que moi) : un livre dont pratiquement toutes les odes, d’ailleurs, sont des célébrations de la vie.
Evoquant le guide pratique sur « l’art noble de l’autostop » qu’il avait envisagé d’écrire, David nous dit ceci :
« Je m’aperçois seulement maintenant que c’était bien plus qu’une série d’astuces et de conseils pratiques. Peut-être était-ce la meilleure formation à la citoyenneté que j’aie jamais reçue. Ce que j’ai appris, c’est tout simple : la conviction fondamentale que des personnes qui ne vous connaissent ni d’Eve ni d’Adam se comportent en général tout à fait convenablement, la notion que la vie se présente sous de multiples formes, mais qu’elle est aussi reconnaissable, l’acceptation que l’on n'a pas tout en main, la foi que cela va bien se terminer. En restant convaincu d’une chose : si la méfiance est le prix à payer pour la sécurité, je ne suis pas prêt à le payer. Plutôt libre et vulnérable, qu’en sécurité et craintif.
« Oui, il peut arriver d’être assis à côté d’un inconnu dans une Matra-Simca et de voir une jante en métal voler contre le pare-brise. Pare-brise pulvérisé, deux personnes couvertes de fragments de verre, des filets de sang sur le visage du conducteur français, des filets de sang sur votre bras gauche. Lui : « Je crois qu’il faut que j’aille à l’hôpital ». Evidemment, ç’aurait pu aussi se passer pendant un voyage en voiture ordinaire. Ce qui n’aurait pas pu se produire, en revanche, c’est qu’il vous voie deux heures plus tard debout à attendre soixante kilomètres plus loin : ses stigmates avaient séché et son pare-brise était remplacé par un morceau de plastique qui claquait au vent avec un bruit infernal. Me voilà qui remonte. Nous rions ensemble, son chien tendant le cou pour inhaler le vent rugissant.
« Ce qui n’aurait pas pu se produire non plus pendant un voyage en voiture ordinaire : […] l’excitation d’être secoué dans la benne d’un pick-up en Crète en face d’une amie qui a relevé spécialement pour vous sa jupe dans la lumière estivale éclatante. L’étonnement d’être pris en stop sous une pluie battante dans un paysage désolé de tourbières en Irlande du Nord par un homme qui s’avère être le bassiste de Van Morrison. Tout cela ne serait pas arrivé autrement. […]
« Maintenant, vous conduisez vous-même. […] Vous vous êtes arrêté pour un homme en Afrique du Sud et votre voiture de location s’est retrouvée soudain remplie d’une famille de sept personnes et un chiot : ils avaient attendu pendant deux jours qu’on les prenne en stop, maintenant ils quittaient pour de bon leur campagne pauvre et se rendaient au Cap. Dangeureux, disaient des amis blancs, mais une société qui exclut systématiquement ce genre de contact vous paraît encore plus dangereuse. »
Alors, qu’est-ce que vous en dites ?
Bon dimanche à vous et bonne fête… de la Vie !
