Et la lumière fut !

· L'Esprit en Eveil

Je viens de terminer l'un des livres les plus lumineux que j'aie lus de ma vie (et j'en ai lus beaucoup !…) : Et la lumière fut, de Jacques Lusseyran, paru pour la première fois en 1953.

C'est mon fils aîné qui me l'a recommandé. J'ai failli ne pas le lire, car le 4e de couverture ne m'inspirait pas du tout, voire me rebutait carrément. Mais quelle surprise, en me plongeant dedans, de découvrir tout autre chose que ce qu'indiquait ce dos de couverture (j'y reviendrai plus bas).

broken image

L'auteur perd la vue à l'âge de 8 ans, suite à un accident. Mais paradoxalement, cette cécité va le faire découvrir la lumière, mais la lumière intérieure cette fois, avec une rare richesse de couleurs et de sensations, selon les situations, les personnes qu'il croise, etc. Privé de la vision extérieure, Jacques Lusseyran va explorer son monde intérieur d'une façon exceptionnelle, au point que ce titre est à mes yeux une référence essentielle en matière de spiritualité, comme hélas sa présentation actuelle ne le laisse pas deviner. C'est en effet un livre qui parle de la foi (et non de croyance), mais aussi de la vie, de l'amitié (des pages sublimes), et des richesses insoupçonnées qui sont en nous. C'est un texte tout simplement bouleversant. Mais très instructif aussi.

A le lire, on ne peut s'empêcher de souhaiter qu'il soit lu par les aveugles, mais aussi par leurs parents et leurs éducateurs, car Jacques Lusseyran y livre des clés sur son état intérieur et sur la manière d'en tirer le meilleur, qui peuvent sans doute en aider beaucoup d'autres affligés du même sort que le sien.

Durant la Deuxième guerre mondiale, Jacques Lusseyran âgé de 19 ans va devenir - aussi stupéfiant que cela puisse paraître - le responsable d'un très important réseau de résistance, en région parisienne. Paradoxalement, sa cécité, avec le développement d'autres sens qui l'accompagne, lui donne un discernement exceptionnel dans le choix des personnes auxquelles faire confiance ou non. De plus, doté d'une mémoire photographique, il enregistre des quantités prodigieuses d'informations, évitant ainsi le risque d'avoir la moindre liste écrite. Finalement trahi, il sera interné à Buchenwald. Il vivra alors cet épisode effroyable d'une manière très particulière, fort de toute l'expérience accumulée durant ses 10 premières années de cécicté.

Sans doute parce qu'il est paru en 1953, ce livre a été mis en évidence comme un ouvrage sur la résistance et les camps de concentration, comme l'indique ce malheureux dos de couverture dont il est affublé. En réalité, les camps occupent le dernier quart du livre, et la résistance le quart d'avant. Mais toute la première moitié de cet ouvrage traite de la lumière, de la découverte par ce jeune aveugle des ressources intérieures immenses qui sont les siennes (et les nôtres), et qu'il n'aurait peut-être pas développées sinon. Encore une fois, c'est avant tout un ouvrage d'une profonde spiritualité. L'expérience des camps, vu sous cet angle, apparaît comme la mise à l'épreuve des talents et qualités que sa condition d'aveugle lui a donné l'occasion de cultiver.

Pour faire justice à ce livre, il faudrait totalement en réécrire la présentation qui figure au dos, ainsi que sur les sites de librairies en ligne, en mettant cette fois l'accent sur la formidable dimension spirituelle de cette oeuvre.

Tellement touché par cet homme, j'ai fait une recherche en ligne sur lui et je suis tombé sur la courte interview vidéo ci-dessous (7 min.), tirée des archives de l'INA. J'en ai été profondément ému, aussi bien par le fond de ce qu'il nous dit (il parle du bonheur), que par la forme, à savoir une élocution d'une impeccabilité absolue. Ces quelques minutes donne à sentir l'être qu'était Jacques Lusseyran.

broken image

Enfin, comment ne pas relever ce nom de famille, Lusseyran, dans lequel l'oreille entend Luce-errant, Luce qui signifie la lumière, justement… C'est à une magnifique errance dans la lumière que nous invite ce titre magistral.