Si la situation actuelle vous paraît inquiétante à plus d’un titre, si vous ne vous retrouvez pas dans le discours politico-médiatique unique, sans doute serez-vous intéressés par la lecture du dernier opus de Michel Maffesoli, professeur émérite à la Sorbonne et membre de l’Institut universitaire de France.
Son analyse de ce que nous vivons ne manque ni de lucidité, ni de pertinence, ni de profondeur.
J’ai notamment beaucoup apprécié de retrouver chez lui la mise en évidence de la dimension éminemment religieuse de ce que nous vivons collectivement, qui échappe à la plupart. Le « scientisme » est en effet une manière de transformer la science en dogmes et en religion, et donc de pervertir le véritable esprit scientifique. Ce n’est nulle part aussi vrai que dans la médecine moderne, dont j’ai montré (cf. Médecine, religion et peur) comment son développement depuis Pasteur s’est calqué sur le modèle catholique. Le Conseil de l’ordre des médecins est à ce titre un archaïsme religieux manifeste.
« Il est frappant d’observer que les mots ou expressions, science, scientifique, comité scientifique, faire confiance à la Science, et autres de la même eau, sont comme autant de sésames, alpha et oméga d’un savoir universel », écrit Maffesoli. « La Science est la formule magique par laquelle les pouvoirs bureaucratiques et médiatiques sont garants de l’organisation positive de l’ordre social. Il n’est jusqu’aux réseaux sociaux, Facebook, Twitter, Linkedin, qui censurent les internautes qui ne « respectent pas les règles scientifiques », c’est-à-dire qui ont une interprétation différente de la réalité. Doute et originalité qui sont les racines de tout « progrès » scientifique ! »
Face à l’évolution de la situation, Maffesoli – dont les écrits passés ont été plusieurs fois visionnaires – prévoit des soulèvements à venir. A ses yeux, cette « crise sanitaire est une modalité d’une crise sociale en cours, d’un changement de paradigme bien plus profond », qu’il aborde dans les grandes lignes.
Je ne peux détailler ici toutes les analyses passionnantes que contient cet opus : je ne peux que vous inviter à le découvrir par vous-même et à vous faire votre propre idée. C’est le genre de textes qui stimulent la réflexion, et nous en avons bien besoin aujourd’hui.
Seul bémol de ce livre (qui a toutefois l’avantage d’être court) : le français trop compliqué dans lequel, souvent, il est écrit, sans doute par déformation professionnelle. Les lecteurs et lectrices peu habitués à cette manière très académique de s’exprimer risquent de décrocher, alors qu’il y a de nombreuses perles à collecter au fil des pages, pour lesquelles il vaut la peine de s'accrocher. Comme pour certains ouvrages de Bruno Latour, je rêverais qu’il en existe une version en langage courant, ne nécessitant pas l’usage du dictionnaire plusieurs fois par page…