En 2004, Francis Cabrel a composé Les Faussaires, pour son album Les beaux dégâts. Dix-sept ans plus tard, la situation est encore pire que ce qu’il décrivait avec talent et humour. Le mensonge et la fausseté s’étalent partout. Aux « fake news », succèdent désormais les fake « fake news » (on disqualifie une information vraie), au point où il devient difficile de trouver des « news » tout court, c’est-à-dire une information fiable, provenant d’une source non inféodée à certains intérêts.
« Si vous ne lisez pas le journal », disait déjà Mark Twain, « vous n’êtes pas informés. Si vous lisez le journal, vous êtes désinformés ». Quant à Nietzsche, il prévoyait : « Encore un siècle de journalisme, et tous les mots pueront ».
Comment s’y retrouver ?
Comment distinguer le vrai du faux ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le mental qui va nous y aider. Dans la masse hallucinante d’infos contradictoires disponibles aujourd’hui, il lui est impossible d’en faire le tri et de s’y retrouver. Même en étant hyper-informés, on ne sait souvent plus quoi penser.
Ce n’est pas le coeur non plus, qui a tendance à transformer les infos en croyances, dès lors qu’il y adhère, qu’il s’y attache émotionnellement, nous rendant moins capables d’envisager plusieurs points de vue différents.
La clé, pour apprendre à distinguer la vérité, c’est d’abord de chercher à la vivre, à l’incarner, c’est-à-dire de la cultiver en soi. Être vrai, être sincère, être honnête. Ne pas tricher, magouiller, mentir. Se refuser à ce jeu d’apparences et de bluff que sont devenus notamment les réseaux (a)sociaux. Se retirer de la culture de la superficialité. Ne pas tant chercher à détenir la vérité (chose impossible), qu’à être détenus par elle.
Mais surtout, il faut identifier en soi-même les signaux que nous donne le corps, face au mensonge ou à la vérité. Oui, le corps !
Pour cela, faites l’exercice suivant, préconisé par Sandra Ingermann (dont j’ai eu la joie de traduire plusieurs livres remarquables) :
Pensez à une chose que vous aimez – un aliment, une fleur, un goût ou une odeur. Quelque chose de simple. Allez en vous et dites : J’aime ________ (cette chose). Observez les sensations présentes dans votre corps quand vous énoncez une vérité. Est-ce qu’un l’un de vos sens vous fait savoir que vous venez de vous dire une vérité ?
Levez-vous et faites quelques pas. Faites une tâche toute simple durant trois minutes pour libérer votre esprit et vos sens de l’expérience que vous venez d’effectuer. Puis, asseyez-vous à nouveau et cette fois dites-vous un mensonge : Je déteste ________ (la même chose que précédemment). Observez à nouveau quelles sont vos sensations corporelles quand vous prononcez un mensonge. Un autre sens déclenche-t-il une alarme intérieure ?
Nous avons tous des réactions corporelles uniques face au mensonge et à la vérité. Une fois que nous les avons identifiées, il est bien d’y prêter attention, de les écouter, d’amplifier leur signal en nous pour ne pas passer à côté. Chez moi, par exemple, c’est le plexus solaire qui se dilate ou se contracte (jusqu’à en avoir mal…) face à la vérité ou au mensonge.
Entraînez-vous, aussi souvent que possible. Devenez votre propre détecteur de mensonges. Vous ne saurez souvent pas de quelle manière l’information qu’on vous donne est mensongère, douteuse, faussée, mais vous saurez intuitivement qu’il ne faut pas vous y fier. Votre corps vous le dira.
D’ailleurs, qui d’entre nous ne connaît pas des gens qui n’ont pas fait de grandes études, ne sont pas des intellos de haut vol, mais qui ont un solide bon sens et à qui « on ne le fait » pas, qui détectent un mensonge ou un menteur à des kilomètres ?
La vérité vous affranchira, dit l’évangile. Nul n’est libre dans le mensonge. Or, plus que jamais auparavant, nous vivons dans la société du mensonge. Faire de la vérité sa plus haute exigence, jour après jour, est indispensable pour être véritablement libre, de cette liberté que nul ne peut nous donner de l’extérieur, mais qui ne peut que s’obtenir en dedans.